Recours abusifs : Kaufman & Broad et ses sociétés relaxés

Condamné pour "dénonciation calomnieuse", Kaufman & Broad s'est défendu, devant le tribunal d'appel d'Aix-en-Provence, lequel lui a donné raison.

Cours d'appel d'Aix-en-Provence


Le promoteur condamné à verser 100 000 euros

Le promoteur immobilier avait déposé plusieurs plaintes contre l'avocate Julie Savi, qu'il estimait être la "cheville ouvrière d'un système de racket organisé". Il assurait que celui-ci tentait de retarder ses chantiers par le biais de recours abusifs déposés par des prête-noms. Le tribunal de première instance ne l'a pas entendu de la même oreille. Si les médias ont largement relayé le procès, ce dernier a finalement abouti sur un non-lieu.
 
Le juge d'instruction n'a pas été sensible à ses arguments. L'enquête n'a pas permis de relever des anomalies dans les neuf recours visés par les procédures. Les deux procès intentés pour "tentative d’escroquerie au jugement et faux" ont conclu à l'innocence de l'avocate, le 11 juillet dernier. "Neuf ans que cette avocate est traînée dans les carcans du déshonneur par Kaufman & Broad. (…) Elle n’a pas créé artificiellement un intérêt à agir hier. Les prévenus tentent de faire croire qu’ils ne sont pas à l’origine de la poursuite", indiquait l'un de ses avocats, Maitre Brice Grazzini, début septembre (propos relayés par La Provence).
 

Une instrumentalisation de la justice ?

Le tribunal est même allé plus loin, concluant à une "instrumentalisation de la justice" : "Il apparaît en réalité que les plaintes, circonstanciées et répétées, déposées par les sociétés Kaufman & Broad ont relevé d’une stratégie d’instrumentalisation de la justice pénale, stratégie d’acharnement judiciaire qui a réussi un temps." Il a également évoqué des "négociations parallèles secrètement menées au cours de l’information judiciaire et en plein cœur de l’enquête, entre les deux promoteurs, sur le dos de l’avocate sacrifiée sur l’échiquier de leurs rapports de force économique."

Kaufman & Broad a été condamné à lui verser 100 000 euros "en réparation de préjudice moral", pour "dénonciation calomnieuse". Et chacune des cinq sociétés du groupe mises en cause ont écopé d'une amende de 10 000 euros. L'avocate demandait quant à elle 1 million d'euros de dédommagements. Elle a notamment été considérée comme victime collatérale de joutes juridiques opposant le promoteur à son ancien associé, Yvon Ammar. La Marseillaise rappelle qu'en 2011, ces derniers avaient stoppé toutes les procédures les opposant, excepté "la plainte pénale visant l’avocate pour ne pas perdre la face devant la presse et l’opinion publique".
 

Kaufman & Broad relaxé en appel

Kaufman & Broad a fait appel de la décision, et Julie Savi n'entendait pas lâcher : "Personne ne doit s’autoriser à intimider un avocat dans l’exercice de ses mandats par la calomnie et la menace. Kaufman & Broad s’est tout autorisé, a-t-elle lancé à La Marseillaise. (…) J’étais leur bête noire. Ils ont voulu faire de moi un symbole pour faire peur aux avocats en général afin qu’ils n’attaquent plus leur permis. L’immobilier brassant d’énormes sommes, j’ai eu peur pour mon intégrité physique. C’est une cicatrice à vie pour n’avoir fait qu’exercer ma profession, et bien."
 
Maîtres Bernard Cahen et Emmanuel Mercinier, les avocats de Kaufman & Broad et du PDG de l'époque, Guy Nafilyan, ont défendu leur version. Le promoteur et ses sociétés ont été relaxés, les magistrats estimant qu'il n'y avait pas de dénonciation calomnieuse. L'avocate a immédiatement indiqué qu'elle se pourvoyait en cassation : l'affaire est donc loin d'être terminée.

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