Coliving : véritable innovation ou coup marketing ?

Certains promoteurs tentent de répondre aux nouveaux besoins et d'innover en proposant des lieux de logements partagés. Les phalanstères pourraient notamment être remis au goût du jour.

Colocataires et coworkers


Le "coliving", nouveau phénomène en vogue

Plusieurs promoteurs proposent l'expérience du "coliving" à leurs clients, cette année 2018. Il s'agit d'une adaptation du "coworking" à l'habitat. Les espaces de travail partagés ont doublé, depuis 24 mois, dans l'Hexagone, et leur succès leur a donné des idées. Le concept a émergé aux USA, il y a quelques années, et y a aussi connu un succès important. A titre d'exemple, Wework, l'un des principaux développeurs sur le territoire américain, est aujourd'hui valorisé à 20 milliards de dollars (17,2 milliards d'euros).
 
Le principe du "coliving" consiste en des appartements individuels, assortis d'espaces partagés. "La tendance du coliving, c’est de réduire les espaces privés - dans le modèle anglo-saxon, on descend jusqu’à 12, 13 mètres carrés - et redonner le reste à des espaces partagés", a précisé l'un employés du promoteur HTC à l'AFP. Le procédé tente de répondre à des attentes spécifiques : "C'est un croisement entre le coût du logement et la solitude dans les grandes villes", a-t-il ajouté.
 

Un fonctionnement qui rappelle les phalanstères

Une nouveauté ? Alexis Markovics, historien de l'architecture, y voit un retour des lieux de vie communautaire élaborés par Charles Fourier, au XIXe siècle : "On est en train de réinventer quelque chose qui a déjà existé. C'est plus ou moins les phalanstères. La taille des logements était réduite avec un privilège accordé à l'espace partagé : la grande cour vitrée avec ses coursives, c'est le lieu de rencontre et de sociabilité", a-t-il confié à l'agence de presse.
 
Ces bâtiments longs de plus d'un kilomètre étaient destinés à accueillir 1 800 à 2 000 sociétaires. Les tentatives d'application ont été nombreuses mais ont souvent échoué, en France comme aux Etats-Unis. Le plus célèbre des phalanstères a été réalisé par Jean-Baptiste André Godin et se situe à Guise, dans l'Aisne. Il a été habité par 1 748 personnes, en 1889. Il est aujourd'hui classé au titre des monuments historiques.
 

Révolution ou simple coup marketing ?

Loin de ce vieil exemple, certains observateurs se montrent sceptiques quant à la révolution annoncée. Il n'est effectivement pas toujours évident de discerner le "coliving" d'une résidence classique : "Quand vous entendez les gens parler de "coliving" en France, c'est du reconditionnement de tout petits espaces. Tout le modèle est basé sur la taille. S'il n'y avait pas cette masse de résidents, on ne pourrait pas offrir ce niveau de services intégrés dans le loyer", explique encore l'employé d'HTC.

Maxime Lanquetuit, directeur de l'innovation chez le promoteur Altarea Cogedim, fait remarquer que les projets sont rares : "On en parle beaucoup, on commence à voir des acteurs aujourd'hui, mais on ne parle que de quelques cas. En Europe, il y a 130 espaces de "coliving" dont seulement une trentaine en France." Monique Eleb, sociologue, estime que les promoteurs se servent du concept comme d'un levier marketing : "C'est un concept banal. C'est une invention de marketing, une sorte de mode, de manière de rafraîchir un phénomène existant, qui est la multiplication des cohabitations aujourd'hui." L'avenir nous dira si son scepticisme était fondé.

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